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vendredi 24 février 2017

Pas chanceux à la pêche

                                                                              

Histoire de pêche, Daniel Lefaivre, blogue de pêche, pêche truite, Pas chanceux à la pêche
Cette courte histoire m’a été racontée bon nombre de fois. Elle fait figure de proue auprès des pêcheurs qui ont tous vécu ou entendu rapporter ce drame devenu commun, mais qui conserve
néanmoins toute sa saveur. Voici la version de Marc, qui pourrait aussi bien être celle de Pierre, Jean, Jacques...
« Maudit que j’suis pas chanceux! Y en a qui sont mardeux, mais c’est pas à moi que ça arriverait. Quand ça mord, j’ai au moins le mérite d’avouer que, au bout de mon hameçon, y a un pouce de ver qui est plus chanceux que le reste. Hé! J’veux dire, le bout qui s’fait pas manger! Pis, quand ça mord, y a d’la chance, pis y a d’la technique pour le sortir de l’eau. Mais quand ça veux pas mordre, qu’est-ce que tu peux y faire? Rien d’autre  que constater que c’est moi le poisson! »

« Ça faisait quatre heures que je pêchais au bord de la rivière, sans jamais avoir la moindre touche. Me suis même pas fait téter. Mais quand on pêche, ça prend de l’ambition, de la
patience, et surtout de la détermination! J'étais dé-ter-mi-né! Je suis resté au même spot pendant quatre heures. Pendant quatre longues et pénibles heures, j’ai pêché sans arrêt avec un jig jaune de un quart d’once! J’ai jamais changé d’agrès, à part ça. »

« Faut-t’y avoir confiance, non? J’étais sûr et certain que... Ben, sinon, avoir su, j’veux dire, j’serais pas venu! Tout ça pour te dire qu’après quatre heures, un gars s’écœure.
Pis comme c’est souvent à ce moment-là qu'un gars pense à décrisser, j'ai donc lancé mon jig pour la dernière fois. C’est toujours à ce moment-là qu’un smatte qui arrive et qui te demande si ça mord… Moi, un jour, je le jure, j’vas mordre!... »

« J’ai répondu : « Pantoute ». Pis j’ai rajouté : « Pour moi, y en a un gros qui fait peur aux autres.  Je te le laisse... »

« Je sais pas pourquoi  j’ai dit ça. Y en a qui prétendent que ça porte malheur.
Enfin, j’ai peut-être voulu me contenir et me donner des airs de connaisseur. »

« Alors j’ai remballé mes affaires et le type m’a demandé quel genre d'agrès j’avais utilisé. J’ai failli y répondre : « Un agrès dans mon genre! » J’y ai quand même montré mon jig jaune avec un Curly Tail. Y a eu le front de me dire : « Ah oui! C’est fameux, c’est super bon ce jig! » Ben oui, cé ben bon... ben bon. »

« Vu que je me préparais à partir, y cé pas gêné pour prendre ma place. Pis y a décidé d'utiliser le même jig! J’ai failli l’avertir qu’y perdrait son temps, mais qu'y s’arrange donc avec ses troubles celui-là! »

« Au premier lancer, le gars se met à crier : « J’en ai un! J’en ai un! Oh, pis c'est un gros! »

« Ben t’en reviendras pas, au premier coup, y a sorti un doré de douze livres! Pis avec le même jig que j’ai utilisé pendant quatre heures! C’est injuste, j’suis pas chanceux! Tu vois, je l’avais dit! Mais ce qui fait encore plus mal à l’orgueil, c’est quand le type m’a dit : « T’avais raison, y en avait un gros dans l’boutte.  Maintenant tu peux revenir prendre les petits, le gros ne leur fera plus peur!... »


« Ben c’est ça!... »

mercredi 22 février 2017

0...0...0rignal!

                                                                               

Histoires de pêche, Daniel Lefaivre, blogue de pêche, pêche au Québec
Nous devions être les hôtes d'amis français lors de leur première visite au Québec. Après l'éternelle visite à la cabane à sucre et la présentation des oreilles de christ, des pets de sœur
et de la tarte à la farlouche, nous avions préparé une petite partie de pêche tout ce qu'il y a de plus « exotique » dans l'espoir d’en mettre plein la vue à nos charmants cousins français.

Bien sûr, nous leur avions vanté les mérites de nos forêts, sans omettre la profusion d'animaux sauvages et extrêmement dangereux dont il fallait toujours se méfier. Tous les clichés y avaient passé : les flèches des Amérindiens, le cri du loup, le doré dans le sirop d'érable, les cabanes en bois rond et les poissons géants qui hantaient le lac. Eux-mêmes nous avaient déjà mentionné que nos poissons sont tellement gros, ici en Amérique, qu’on est obligé de les mesurer en « inches »… 

Nous leur avons aussi expliqué comment il fallait s'y prendre pour ne pas se perdre en forêt (même si pas un de nous ne savait manier la boussole!), comment se faire de la soupe avec de l’écorce de bouleau et comment se faire un téléphone d'urgence avec deux boîtes de conserve reliées à une corde...

Nous avions déniché un vrai « camp » fait de billots de bois, qu'un beau-frère nous avait gentiment prêté pour l'occasion. Pour nous y rendre, il fallait compter quatre heures de voiture sur la route pavée et une heure de marche avec portage du bagage dans un étroit sentier. Nous espérions bien que la distance et la grandeur du territoire allaient les impressionner et souhaitions que nos hôtes ne découvrent pas la route de campagne qui passait à quelques pas du camp!...

Histoire de nous amuser et toujours dans le but de «péter de la broue››, j'avais installé un panneau routier dans le passage étroit de la rivière. La gratte de l'hiver avait fauché un panneau
de signalisation en forme de losange où était illustré un orignal. C'est à la vue de ce panneau que m'était venue l'idée de gonfler quelque peu la réalité...

Nous déplacions encore les trois canots, dans notre recherche du poisson, quand un de nos invités avait suggéré de nous rendre là où le plan d'eau se rétrécissait. C'est avec plaisir et de
connivence avec mes compagnons que nous nous rendîmes à portée de vue de l'affiche installée la veille...

— Ben dis donc, merde alors, qu'est-ce que c'est que cette affiche en pleine forêt? Qu'est-ce qu'elle fout là putain? me demanda un des invités.
Un de mes compagnons tenta une réponse :
— Cé une pancarte! Avec un fond jaune de même, té sûr de pas la manquer. Pis dessus, cé un buck.
Et j’ai rajouté :
— C’est le Ministère qui l’a installée. Ça veut dire qu'ici, c’est une passe à orignaux. Faut faire attention, y peuvent traverser la rivière n'importe quand. C'est fait spécialement pour eux.
— Cé comme une lumière rouge sur un coin de rue, renchérit un autre «pure laine››. Quand l'orignal passe, t'arrête! Cé une sorte de stop...  C’est pas un passage à niveau, c’est un passage à orignaux!

Là, je trouvais qu'il en mettait peut-être un peu trop. J’ai donné un coup de tête dans sa direction en levant le menton pour me faire comprendre. Mon compagnon me répondit par
un haussement d'épaules.

— Ça veut dire, nous demanda un des Français, qu'on pourrait avoir la chance de voir passer un orignal, et de si près?
— Ben sûr, c't'affaire! ai-je alors répondu, essayant de ne pas pouffer de rire.

Soudain, à notre grande surprise, un craquement de branches attira notre attention. Sur la rive, une magnifique « mère orignal » et son petit s'apprêtaient à traverser la rivière à l'endroit précis où j’avais installé le panneau indicateur...

— Ça alors, c'est extraordinaire! dis un des invités. Vous avez tout un sens de la nature vous les Québécois. Ça alors!

Nos invités n'ont jamais su que, ce jour-là, nous étions bien plus étonnés qu'ils n'auraient pu l’imaginer... Et il fallut que ce soit un Français qui eut le dernier mot :

— Dites, avez-vous des affiches comme ça pour le passage des gros poissons?...



mercredi 15 février 2017

Tabar n…!



                                                                                                   
Histoires de pêche, Daniel Lefaivre, blogue de pêche, pêche doré
— Té pas sérieux?
— Ben oui.
— Pourrais-tu répéter? Je pense que j'ai pas bien compris.
— Faut faire demi-tour...
— Quoi? Ça fait une heure qu'on file à toute vitesse dans ça d'épais de vagues, ça fait une heure   que je me fais arroser le dos à chaque fois que tu pognes une bosse, ça fait une heure que j'suis assis en face de toi, que j'endure ton p'tit sourire épais à chaque fois que tu vois qu’une rame va cogner sur le bateau, pis que tu sais que je vais me raidir le corps parce que l’eau est frette, ça fait une heure que j'endure tout ça, que j’pense rien qu'au moment où je vais pouvoir enfin pêcher sans me faire casser les oreilles par ton maudit moteur, que je me fais brasser de tous les bords, pis tu me dis qu'y faut faire demi-tour?
— Écoute, on n'a pas vraiment le choix, prends-le pas de même...
— Veux-tu me décrocher ton sourire insignifiant, je te prie? Pas question qu'on parte. Je reste   ici.
— En plein milieu du lac?
— On n'est pas en panne à ce que je sache! Ça suffit, c'est ici qu'on pêche...
— Pis avec quoi tu vas pêcher?
— Té pas sérieux?
— Ben oui. C’est la faute de personne, pis faut s'en vouloir à nous deux en même temps...
— Dis-moi que je rêve? ! C'est pas vrai, c'est pas vrai qu'on a oublié les lignes à pêche?...
— Ben oui.
— Tabarnak!...

Daniel Lefaivre