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dimanche 15 janvier 2017

Trois poissons d’un coup

                                                                                     

Histoires de pêche, blogue de pêche, Daniel Lefaivre, pêche Lac Saint-Pierre
Marcel était bien calé au fond de sa berceuse. La chaise craquait de son vieux bois à un rythme lent et régulier. L’homme était calme et sa bonhomie lui conférait un air de vieux sage : son large front venait de se plisser, une idée ou un moment du passé venait de surgir. Il allait se souvenir ou inventer à mesure... Mais nous sentions que chaque argument serait soigneusement préparé, qu’il nous faudrait plus d'une question dans notre contre-interrogatoire de cuisine pour lui prouver que son histoire ne tenait pas debout. On nous avait avertis que Marcel était un vieux loup de mer; mais il y avait quelque chose dans sa posture et dans son regard qui nous dictait d’écouter et, surtout, de croire.

La pêche à la traîne représente, pour un grand nombre de pêcheurs, une source de problèmes. Usure prématurée du monofilament, entortillement des lignes, difficulté de revenir à l’endroit choyé (si ce n'est de peindre un gros “ X ” au fond de l'embarcation!) et plus encore : les éternels accrochages. Mais pour Marcel qui privilégie ce type de pêche, les problèmes sont créés par les « amateurs » eux-mêmes...

« J’avais choisi le bon site, dit-il, l’eau était profonde sur une grande distance et nous pouvions trôler sans jamais accrocher le fond. J’avais plaisir à contrôler le moteur électrique silencieux. »

« Nous avions rapidement atteint (comme toujours) notre quota de dorés, mais nous avions encore le goût de donner un autre p'tit coup de ligne, histoire de voir si une grise ou une ouananiche pouvait côtoyer un banc de dorés. J’ai installé sur mon lancer léger une cuillère ondulante Wobbler de Mooselook, modèle de 3 7/8" de long, avec comme hameçon un trépied assez imposant. Mon compagnon de pêche m'avait même dit que j'exagérais un brin, vu que la grise n'était pas idiote au point de ne pas voir un triple hameçon du genre. Mais ma curiosité l’a emporté et ma cuillère était à l'eau. Prêt pour une traîne lucrative. « Ça pognera pas », m'avait dit l'autre. Mais je ne m'en souciais pas, de toute façon, nous avions pris les plus beaux dorés de la journée. »

« Puis, soudain, ma canne donna un petit soubresaut. J’ai dû frôler quelques herbiers sous-marins, pensais-je. Puis, ma canne donna tout de suite une autre petite secousse, plus forte cette fois, et demeura plus courbée qu’à la normale. Va falloir que j’accélère un peu la vitesse du moteur, me suis-je dit, si je suis pour toujours m'accrocher de même... Là, c'en était trop, ma canne se courba davantage à la suite d'une troisième secousse... J'arrête le moteur, ça y est, j’en ai un, ou une, je sais pas, ça se débat drôlement, même que ça se débat bizarrement! J’ai dû piquer le poisson par le ventre ou par la queue, parce que d’habitude je suis capable de reconnaître l'espèce de poisson, juste à la façon dont il lutte, mais là, je peux pas dire... Qu'est-ce que ça peut être? Ça doit faire au moins six livres! Le fruit de la pêche ramené à portée de vue m'a permis d'observer rapidement la marque distinctive que les dorés portent sur la queue. Ah ben, un doré! Ai-je clamé. Mais, mais non, deux dorés, j’en croyais pas mes yeux, deux... Non, plus je ramenais, mieux je voyais se qui se passait à la surface de l’eau. Trois? Trois dorés accrochés à la même cuillère, je rêve, j’ai jamais vu ça! Et pourtant, c'était vrai, de gros dorés s'étaient piqués tour à tour à l’hameçon triple! En mettant la puise à l’eau, l'un d'eux (le plus petit, par chance!) s'est décroché. J’ai remis les deux autres à l'eau, parce que j'avais atteint ma limite. Faut dire que ce n’était pas des poissons record, mais tout de même… Mais c'est vrai ce que je vous dis, trois d'un coup, trois poissons d’un seul coup! Que voulez-vous, ce sont des choses qui arrivent... »

Marcel s'était un peu emporté en racontant son histoire. Il retrouva rapidement son calme, continua de se bercer en nous regardant d'un œil sévère. Un lourd silence envahit la cuisine.

Toutes les têtes étaient tournées vers Marcel qui semblait voir son aventure défiler sur un écran géant. Il hochait la tête à chaque fois que la berceuse le ramenait vers l'avant et répéta :
« Oui, trois d'un coup. »


Ce fut à mon tour de lui dire : « Que voulez-vous, ce sont des choses qui arrivent... »

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