Histoires de pêche |
La communication qui s'installe entre ces deux règnes devient
extraordinaire. De voir un enfant s'amuser avec un dauphin ou un pélican aiguise
davantage notre sens des « relations humaines » et nous pousse à
croire que la nature a encore ici des mystères bien fascinants.
Jimmy, jeune adolescent rouquin et bâti comme un joueur de football,
adorait la nature et dirigerait plus tard ses études en ce sens. Il s'était
épris d'amitié pour... une tortue! Elle s'appelait Fleurette.
Tout l'été, il l'apprivoisa petit à petit. Il connaissait son horaire,
ses trajets et ses aventures amoureuses. Il avait pris soin de noter ses heures
d'arrivée et de départ, lui offrait quelquefois un peu de laitue ou de viande
qu'elle refusait toujours. Au bout d'un certain temps, Fleurette se laissait
approcher sans trop de mal quand Jimmy la surprenait traversant la plage pour
se rendre à l’eau. C'était un reptile aux magnifiques couleurs qui faisait près
de huit pouces de diamètre.
Jimmy prenait grand soin de sa tortue et se gardait bien de la laisser
en captivité. Il préférait observer sa Fleurette dans son habitat naturel, et
c'est bien là ce qu’elle semblait apprécier.
Un après-midi du mois de juillet, des amis qui revenaient de la pêche
aperçurent Jimmy en pleine conversation avec sa tortue. L'un deux lui demanda :
— tu penses qu'elle comprend ce que tu lui dis?
— Bien sûr qu'elle comprend, ma tortue; elle me connaît bien
maintenant, répondit Jimmy.
— On devrait l'amener à la pêche avec nous, risqua un autre des
compagnons, on prendrait peut-être plus de poissons!
— Quand j’aurai fini de l’entraîner, avança Jimmy en riant, elle ira à
la pêche pour moi!
— Ouais, mais en attendant, elle a pas l'air trop pressée de se rendre
à l'eau, lui lança son ami.
— Elle est timide et puis elle vous connaît pas, répondit Jimmy.
Dans l'embarcation, une chaudière contenait quelques petites perchaudes
encore bien vivantes. Produit d'une pêche tout ce qu'il y a de plus ordinaire,
mais qui avait permis aux pêcheurs de ne pas revenir bredouilles. Un des amis
en empoigna une délicatement, sans se faire piquer par la nageoire dorsale, la
tendit vers la tortue en lui disant : « En veux-tu? »
Mais le reptile ne semblait pas apprécier ce menu de choix.
— Tu connais rien à ma tortue, t'approche pas trop, tu vas l’effrayer.
Tiens plutôt, donne-moi ton poisson, je vais te prouver qu'elle me connaît.
Intrigués, les pêcheurs observaient Jimmy en riant.
— Tu te fais des «accroires››, elle te connaît pas plus ta tortue, lui
lança son ami.
Jimmy s'approcha de la tortue avec son poisson et le lui fit renifler
comme on le fait avec un chien. Comme la tortue poursuivait son chemin vers le
lac, Jimmy lança la perchaude à l'eau de toutes ses forces et cria :
— Fleurette, va chercher! Va chercher le poisson! Bonne Fleurette va,
va chercher!
La tortue poursuivait son petit bonhomme de chemin pendant que Jimmy et
ses copains se bidonnaient. Ils riaient de bon cœur, à s’en décrocher les
mâchoires et oubliaient la tortue qui
disparaissait sous l'eau. Tous se tenaient contre la chaloupe, se racontaient
leur journée, le poisson qui n'avait pas mordu, et le soleil qui était trop chaud.
Au bout d’un bon moment, Fleurette réapparut. Elle marcha péniblement
sur le sable blanc de la plage et semblait se diriger vers Jimmy. Elle tenait
fermement entre ses mâchoires... une
perchaude qui se débattait vigoureusement...!
D'un ton prétentieux, mais qui ne cachait pas une certaine stupéfaction,
Jimmy cria :
— Whoa! Je vous l’avais dit qu'il fallait savoir comment s'y prendre! Je
l'ai bien apprivoisée à votre goût? Bonne Fleurette va, bonne Fleurette...
— Hé, c’est un coup monté, ça! C’est toi Jimmy qui nous joue un tour...
Les types se mirent d’accord devant le fait accompli. La tortue avait
bel et bien rapporté le poisson... Mais il n'y avait que Jimmy qui jurait
reconnaître la perchaude : « C’est la même
disait-il, c'est la même. C’est celle-là que je viens de lancer… »
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