néanmoins toute sa saveur. Voici la version de Marc, qui pourrait aussi
bien être celle de Pierre, Jean, Jacques...
« Maudit que j’suis pas chanceux! Y en a qui sont mardeux, mais c’est
pas à moi que ça arriverait. Quand ça mord, j’ai au moins le mérite d’avouer
que, au bout de mon hameçon, y a un pouce de ver qui est plus chanceux que le
reste. Hé! J’veux dire, le bout qui s’fait pas manger! Pis, quand ça mord, y a
d’la chance, pis y a d’la technique pour le sortir de l’eau. Mais quand ça veux
pas mordre, qu’est-ce que tu peux y faire? Rien d’autre que constater que c’est moi le poisson! »
« Ça faisait quatre heures que je pêchais au bord de la rivière, sans
jamais avoir la moindre touche. Me suis même pas fait téter. Mais quand on
pêche, ça prend de l’ambition, de la
patience, et surtout de la détermination! J'étais dé-ter-mi-né! Je suis
resté au même spot pendant quatre heures. Pendant quatre longues et pénibles
heures, j’ai pêché sans arrêt avec un jig jaune de un quart d’once! J’ai jamais changé d’agrès, à part ça. »
« Faut-t’y avoir confiance, non? J’étais sûr et certain que...
Ben, sinon, avoir su, j’veux dire, j’serais pas venu! Tout ça pour te dire
qu’après quatre heures, un gars s’écœure.
Pis comme c’est souvent à ce moment-là qu'un gars pense à décrisser,
j'ai donc lancé mon jig pour la dernière fois. C’est toujours à ce moment-là
qu’un smatte qui arrive et qui te demande si ça mord… Moi, un jour, je le jure,
j’vas mordre!... »
« J’ai répondu : « Pantoute ». Pis j’ai rajouté : « Pour
moi, y en a un gros qui fait peur aux autres. Je te le laisse... »
« Je sais pas pourquoi j’ai
dit ça. Y en a qui prétendent que ça porte malheur.
Enfin, j’ai peut-être voulu me contenir et me donner des airs de
connaisseur. »
« Alors j’ai remballé mes affaires et le type m’a demandé quel
genre d'agrès j’avais utilisé. J’ai failli y répondre : « Un agrès dans
mon genre! » J’y ai quand même montré mon jig jaune avec un Curly Tail. Y
a eu le front de me dire : « Ah oui! C’est fameux, c’est super bon ce jig! »
Ben oui, cé ben bon... ben bon. »
« Vu que je me préparais à partir, y cé pas gêné pour prendre ma
place. Pis y a décidé d'utiliser le même jig! J’ai failli l’avertir qu’y perdrait
son temps, mais qu'y s’arrange donc avec ses troubles celui-là! »
« Au premier lancer, le gars se met à crier : « J’en ai un! J’en
ai un! Oh, pis c'est un gros! »
« Ben t’en reviendras pas, au premier coup, y a sorti un doré de douze
livres! Pis avec le même jig que j’ai utilisé pendant quatre heures! C’est
injuste, j’suis pas chanceux! Tu vois, je l’avais dit! Mais ce qui fait encore
plus mal à l’orgueil, c’est quand le type m’a dit : « T’avais raison, y en
avait un gros dans l’boutte. Maintenant
tu peux revenir prendre les petits, le gros ne leur fera plus peur!... »
« Ben c’est ça!... »