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mercredi 16 octobre 2013

La patience à la pêche

                                              

Daniel Lefaivre; pêche au Québec; pêche à la truite; mouchetée
Quel est votre niveau de patience à la pêche?
Dans ce blogue sur la pêche, pouvez-vous répondre à cette question?

À partir de quel moment est-il temps de déclarer ceci ?  « Bon…ben…heu…ça ne mord pas, il est maintenant temps de changer de spot… »  Ou bien est-ce quand vous avez trop étiré l’élastique de votre patience?
Après dix minutes?  Un avant-midi?  Une heure?  Et si vous aviez fait un autre dernier  lancer ou une autre dernière  passe à cet endroit précis? Peut-être auriez-vous pêché le trophée de votre vie?   Que se serait-il passé si, au bout du compte, vous aviez fait 150 derniers lancés au lieu de partir vers un autre endroit?

À la patience succède la ténacité, la persévérance!  Combien de fois m’a-t-on raconté qu’on avait fait le bon choix en décidant de persévérer dans un endroit qui, depuis le début, s’avérait totalement nul.  Et combien de fois m’a-t-on aussi  raconté l’inverse?!  D’autres fois, la patience se transforme en action,  en attitude moins passive…  À la pêche, le seul principe de la prospection rapide peut suffire à justifier l’équation « être à la bonne place, au bon moment »… et au diable la patience!

Entre ces 2 extrêmes, j’ai tenté de  savoir comment  la patience à la pêche peut influencer nos décisions et notre comportement.  À Sylvain Robert, guide de pêche professionnel,  à qui je demandais ce que représentait la patience pour lui et à quel moment il est temps de « lever le camp », il me répond  qu’il n’est vraiment pas du genre à perdre son temps.  De tempérament actif, Sylvain ne demeure pas en place très longtemps.  Par exemple à la traîne, après deux passes,  s’il ne s’est rien passé, il est grand  temps pour lui d’aller prospecter ailleurs.  C’est pour ça, dit-il, qu’il est important de bien connaître son plan d’eau.

« Dès que ça ne mord pas, je change de spot.  C’est pour cette raison qu’il est essentiel de connaître beaucoup d’endroits qu’on a mémorisé ou marqué sur le GPS, afin d’accélérer la prospection. »


Pour Sylvain Robert,  il faut bien connaître le plan d’eau afin de pouvoir changer d’endroit souvent si le poisson est capricieux.  « Plus je suis actif, moins j’ai l’impression de perdre mon temps quand le poisson ne collabore pas.  J’ai la patience de le trouver ! »


J’ai en tête cette image fixe, et pourtant, je regardais un documentaire sur la chasse au phoque, où l’Inuit, totalement immobile, attendait que l’animal  passe au travers de l’ouverture pour venir respirer.  Le trou avait été creusé dans la glace avec des outils rudimentaires et l’Inuit était à genoux, le bras étiré jusqu’au ciel en tenant son harpon.  Puis plus rien, on aurait dit un arrêt sur l’image.  J’ai pensé qu’on allait à une pause publicitaire.  Mais non, le film roulait toujours car tout à coup  un petit texte au bas de l’écran nous indiquait en accéléré le temps qui passait.  Ce chasseur avait la même position des statuettes qu’on trouve dans les boutiques de souvenirs.  Et le temps passait toujours…  Après 3 heures de totale immobilité, les muscles sans doute ankylosés et  les  réflexes probablement gelés par ce froid polaire, il décocha tout de même son harpon à la vitesse de l’éclair et toucha la cible.

Mais quelle patience me suis-je alors murmuré!  Comment arrive-t-il à faire cet exploit?  Moi qui ne tient pas plus de trente secondes accroupi dans la position du receveur au baseball, j’arrivais à peine à croire ce que je venais de voir!  Pouvez-vous imaginer que votre prochaine sortie de pêche en sera une de longue attente, sans broncher d’un poil de mouche, sans vous ouvrir une bière, en sachant que vous ne quitterez  pas votre site tant que vous n’aurez pas pris un poisson?  Difficile à imaginer, surtout dans notre monde en perpétuel mouvement!  En langage d’aujourd’hui, on pourrait dire qu’il y a quelque chose de « zen » dans cette façon d’attendre l’événement de façon aussi  immuable  et sage.  On pourra aussi évoquer une sorte de génétique blindée propre à des êtres humains issus d’un environnement particulier.  Mais qu’en est-il de la patience et particulièrement à la pêche?

Plusieurs pêcheurs m’ont raconté ne pas trop savoir sur quel pied danser avec cette question.    La plupart des gens que j’ai interrogé ont tendance à se fier à dame nature et à la chance, particulièrement quand ils ont comme objectif de capturer une grosse prise.  Mais quand je leur demande ce qui se serait passé s’ils avaient persévéré avec le même leurre, ou à la même place, les réponses sont partagées.   C’est toujours l’éternel dilemme, m’ont-ils racontés.  On ne peut jamais prédire ce qui se serait passé si on avait pris une voie différente,  c’est comme pour la vie quoi!  Mais j’ai entendu très souvent des commentaires fortement associés à la récompense  qui vient après l’effort,  la ténacité, voire même l’opiniâtreté!  C’est comme si la persévérance s’apparentait à l’effort  soutenu de persister à pêcher malgré la bredouille qui s’annonce  évidente et que la prospection rapide est davantage reliée à une pêche sans mérite!  Voyons donc, prendre un poisson rapidement et sans effort, c’est de la chance.  En prendre un après des heures de travail, c’est de la persévérance!

En ce qui me concerne, la patience à la pêche, c’est l’art de savoir attendre sans pogner les nerfs!  !  Mais la patience n’est pas synonyme d’ennui, ou d’inactivité.   C’est aussi tout le contraire de la passivité car dans de telles situations, le temps est suspendu et le pêcheur devient souvent  dans un état de fébrilité où le simple fait d’imaginer ce qui pourrait se produire dans une seconde  suffit à créer  toute la magie de ce loisir si unique!  D’ailleurs, n’est-il  pas étonnant de remarquer que dans beaucoup d’histoires de pêche, on glisse  souvent cette petite perle   étrange « …et au moment  où je ne m’y attendais  le moins,  ma canne s’est subitement courbée... »  Assez cocasse n’est-ce pas? C’est comme si les pêcheurs baissaient la garde, comme s’ils prenaient une pause de patience, comme s’ils mettaient l’attente…en attente!  Et bizarrement, c’est toujours dans ces moments qu’il faut que le poisson se manifeste!...

S’il y a une notion difficile à transmettre aux plus jeunes, c’est bien la patience !  Savoir attendre ?  « Pas rapport » diront-ils !  Certains  d’entre eux peuvent maintenant apprendre à développer cette qualité dès le bas âge,  grâce à un camp de pêche spécialement destiné aux filles et garçons âgés de 9 à 15 ans.   Alec Delage, a mis sur pied ce qu’il nomme judicieusement l’Académie de pêche du Lac Saint-Pierre.  

Ces camps de vacances permettent  aux jeunes de s’initier aux rudiments de la pêche,  de découvrir la richesse de l’écosystème, de savourer des écrevisses, de connaître l’anatomie des poissons, de faire du camping sur une île, et surtout, d’être récompensés  par la capture d’un poisson !  Et on ne parle pas ici de crapets…  Car les enfants ne pêchent pas avec des  cannes en plastique coloré  à l’effigie de  Mickey Mousse ou de Némo !!!  Ils ont droits à tous les égards d’adultes, encadrés par des professionnels de la pêche qui  leurs prodiguent conseils, qui enseignent les techniques,  qui transmettent les bonnes attitudes et qui  leur apprennent  que la patience est une qualité essentielle à la pêche.

De G à D (à l’arrière) : Sylvain Robert, guide professionnel, Simon Domingue et Joey St-pierre, animateurs, Alec Delage, directeur de la pourvoirie et de l’Académie de pêche, Julien-Carl Bruneau, Biologiste, guide et moniteur et tous les pêcheurs et pêcheuses en herbe  à qui on remet une veste de pêche, une canne à pêche et un permis valide jusqu’à l’âge de 18 ans.  Il est encore temps de réserver pour la prochaine saison, pour qui voudrait offrir un cadeau de Noël original !

Après l’accueil et le mot de bienvenue, la première question  qu’on aborde auprès des  jeunes traite de la patience.  On demande d’entrée de jeu quelle est la plus grande qualité du pêcheur ?  La réponse ne se fait pas attendre !  Comme les vacances ont surtout lieu en juillet et août, les jeunes réalisent vite que la patience est un élément clé quand l’eau est plus chaude et le poisson moins actif.  Ils savent dès leur arrivée que la patience jouera un rôle important dans l’apprentissage de ce sport où les récompenses se mesurent non seulement par la capture et la remise à l’eau, mais aussi en appréciant tout l’environnement naturel qui les entoure.  Les enfants apprennent dès lors qu’on peut aiguiser sa patience en prenant des pauses et en appréciant un bon shore lunch !  Un jeune de l’Académie m’a confié ceci : « Quand tu aimes la pêche, c’est pas de la patience, c’est autre chose…   Moi j’aime ça, attendre que ça morde…  Même si des fois ça prend du temps, c’est jamais trop long ! »

J’ai demandé à Daniel Leclair, le pro de pêche en ligne, comment il abordait la patience à la pêche.

  «  D’abord m’a-t-il dit,  je suis patient de nature, mais à la pêche,  je ne reste pas en place très longtemps !  La prospection est en quelque sorte un mode de vie, c’est pourquoi avec moi, c’est pas trop long !  Si ça ne mord pas, je change vite de place, il ne faut pas confondre entêtement et patience, après tout, on est à la pêche pour prendre du poisson !  Si je sais que le poisson est là mais qu’il ne veut pas mordre, je peux être du genre à faire un dernier lancer, tu sais, le genre de dernier lancer qui nous fait rester deux heures de plus à la même place !  Mais en général, je me promène pas mal, jusqu’à ce que ça morde, c’est de la patience,  ça aussi.  Même chose pour le musky, si ça ne mord pas, je change de place et pour moi mes nombreux déplacements ne sont pas une perte de temps.  De toute façon quand on est convaincu qu’un endroit ne sera pas productif, ça vaut vraiment la peine de prendre du temps pour  enfin trouver LE spot. »

Pour Daniel Leclair, la patience a la bougeotte !  Savoir prospecter rapidement, savoir juger rapidement si les conditions seront favorables font partie de son mode de pêche.  « Avec moi, c’est pas trop long, quand ça ne mord pas, ma passion, c’est de trouver le poisson !  Pour ça, ma patience n’a pas de limite ! »

J’ai voulu savoir auprès de  Daniel Leclair comment il se comportait s’il prenait une belle prise du premier coup ? 

« Si j’en ai pris un, j’ai tendance à penser  qu’il y aura plusieurs autres poissons dans ce secteur.  Alors là, ça vaut la peine de patienter plus longtemps.  Mais si je prends une grosse prise au premier lancer, dès le début de la journée (et ça m’est arrivé plus d’une fois), alors c’est toujours en riant que je déclare, en toute connaissance de cause : Bon ben là, la journée va être super dure à partir de  maintenant !... »


J’ai aussi demandé à Gaston Lepage comment il abordait la patience à la pêche.  Ce comédien tellement sympathique qui n’a plus besoin de présentation, est aussi un passionné de pêche, (pour ceux et celles qui ne le savaient pas déjà !).  Il m’a donné des réponses aussi savoureuses que les poissons qu’il pêche !

Gaston,  selon votre expérience, à quel moment est-il temps de changer d’endroit quand le poisson boude nos offrandes?

« Si tu perds le goût de pêcher parce que ça ne mord pas, il est probablement juste un petit peu trop tard pour changer de spot...   Vaut mieux prendre une pause… »

Selon vous, existe-t-il une façon de déterminer  clairement à quel moment l’endroit propice s’avère nul et qu’il est temps de le quitter ?

« Ça dépend de l'heure, de l'éclairage, de la température, voire même de la météo.   Mais si après une demi-heure, avec différentes offrandes, on n'a pas eu d'action, vaut mieux déménager. »

« Tu me demandes si je suis patient?  Si je suis du genre impatient qui prospecte un endroit de pêche en 5 minutes ou si je suis plutôt persévérant, quitte  à  passer plusieurs heures au même endroit?  Et bien,  étant pêcheur de saumon, je me dois d'être pas mal patient. On passe de grandes journées sans avoir d'action, parfois des semaines et pour certains, l'insuccès peut même se chiffrer en années... Et pourtant, au moment où on s'y attend le moins, ça mord pour la peine.   Et là, ça efface tout ce temps de mortelle attente!  Pour d'autres espèces comme le doré par exemple, je suis beaucoup plus impatient. »

Et si vous aviez fait un autre dernier  lancer ou une autre dernière  passe à cet endroit précis?  Peut-être auriez-vous pêché le trophée de votre vie? Comment abordez-vous la patience à la pêche?  Et justement,  selon vous, s'agit-il de patience ou de "timing"?

« Pour le timing parfait, bien heureux celui qui saurait dire avant l'événement que c'est à coup sûr, un bon timing…   À peine peut-il penser que les conditions sont les meilleures, mais finalement, c'est quand même le poisson qui décidera.   Et c'est l'histoire de ma vie!!! »

Pour Gaston Lepage, « La patience, ça va avec la pêche en général.   Je connais des gens qui sont incapables de rester assis plus d'une heure dans une chaloupe, même si ça mord!!!!
L'idée, c'est de pratiquer ce sport pour tout ce qu'il y a autour,  la forêt,  le ciel, le lac ou la rivière,  les vacances,  les amis qui nous accompagnent, la paix quoi! »

 Il nous est tous déjà arrivé de prendre une belle prise dès le premier lancer.  Puis de s'acharner à pêcher au même endroit, sans aucun autre résultat.  Dans ce genre de situation, avec l'expérience acquise, combien de temps serez-vous tenté d'y demeurer si une prochaine situation semblable se produisait?

« Ça m'arrive assez souvent, et puis ça tombe mort. Un jour avec mon ami Patrice l'Écuyer, on s'installe sur la fosse à doré en arrivant au chalet, et coup sur coup on prend immédiatement chacun un doré de 5 livres et demi. Des jumeaux pour ainsi dire. On s'est dit qu'on allait passer une fin de semaine fabuleuse. Bien ce sont les seuls dorés qu'on a pris de tout le voyage !!! On a pourtant pêché presque tout le temps qu'on était là, mais rien n'y fit… »

Pour Gaston Lepage, rien de tel qu’un repos bien mérité !  Souvent, une petite pause peut faire toute la différence ; la confiance et la patience peuvent revenir en force !  « Si tu perds le goût de pêcher parce que ça ne mord pas, il est probablement juste un petit peu trop tard pour changer de spot...   Vaut mieux prendre une pause… »

Je mentionnais en début d’article que la patience, c’est l’art de savoir attendre sans pogner les nerfs…À la lumière des différentes personnalités interrogées, je rajouterai que c’est aussi l’art de savoir attendre le bon moment, ce qui ne signifie pas que l’attente est une forme d’inaction, au contraire, la recherche, l’étude du milieu, la prospection font aussi partie de l’action d’attendre!  Après tout à la pêche, on n’est pas barricadé dans une cache!

Mais ne me parlez pas de ce qui peut me faire perdre patience… quand mon coffre se renverse, quand je vis un bris d’équipement, quand mille bonnes raisons m’empêchent d’aller à la pêche ou que la météo fait tout pour être contre moi…   Ça, c’est une autre histoire…


Daniel Lefaivre    ><((((º> ·° ºoO 






2 commentaires:

  1. La patience dépend du poisson recherché (je suis impatient à l'achigan par opposition au saumon de l'atlantique), du plan d'eau, de l'équipement dont on dispose (je suis plus porté à me déplacer dans un bateau avec un moteur 150 forces qu'à gué ou dans une petite chaloupe avec une seule batterie qui a une limite d'énergie), de la diversité de nos leurres...

    Bref, à chaque situation sa patience.

    Bon texte bien documenté. Bravo encore une fois.

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  2. Merci Jasmin! J'aime beaucoup ce que tu rajoutes, à chaque situation, sa patience.
    À bien y penser, quand je suis dans une petite embarcation, j'ai la mentalité d'un pêcheur à gué, comme tu le mentionnes! Au plaisir!
    Daniel

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